RESTRUCTURER

Sur une parcelle traversante, reliant la rue de Terre-Neuve et la rue Alexandre Dumas, dans le 20^ème arrondissement à Paris, des constructions vétustes ont été acquises par FREHA (France Euro-Habitat) dans la cadre d’une opération de réhabilitation et d’amélioration de l’habitat. Les constructions existantes, situées sur la même unité foncière, comprenaient deux corps de bâtiments reliés par des constructions hétéroclites et organisés autour d’une courette progressivement occupée par des constructions sauvages (celliers, appentis etc...), enserrant un étroit passage.

L’opération, qui a permis de créer 14 logements PLA/TS, s’inscrit dans le cadre du plan d’urgence « de Charette ». Elle s’adresse à une population à faibles ressources et vise à favoriser l’insertion par le logement. Lors du lancement du projet, 8 logements étaient occupés. Le montage de l’opération a visé à conserver ces locataires dans leurs appartements et à ne pas augmenter les loyers. Tous les occupants ont souhaité être maintenus sur place pendant la durée des travaux, ce qui a nécessité la mise en place d’une méthodologie spécifique et d’un phasage précis du chantier (opérations tiroirs à l’intérieur même de l’opération).

Au-delà d’une simple « mise aux normes », l’opération veut échapper à une logique qui tend à confondre réhabilitation du logement social et misérabilisme.

Ce projet a été primé au premier PALMARES DE LA REHABILITATION organisé par le Ministère de la Culture, le Secrétariat d'Etat au Logement, l'ANAH, et l'Union Nationale HLM.

Il a reçu le Grand Prix National ex-æquo pour la Réhabilitation de l’Habitat au concours Prisme d’Or 2000 organisé par l’UNAH.

INTENTIONS URBAINES

Rétablir les franges bâties sur les rues :

· Sur la rue Alexandre Dumas, le corps de bâtiment existant en R+1, flanqué de deux mitoyens plus élevés, marquait une rupture dans la continuité du front bâti. La surélévation de ce corps de bâtiment par la création d’un appartement en duplex a permis de rétablir l’épanelage de la rue et de réduire la rupture d’échelle par rapport aux constructions contigues.

· Sur la rue de Terre-Neuve, le retrait du corps principal du bâtiment par rapport à l’alignement est mis en valeur par la démolition des constructions parasites et l’aménagement de vérandas et de petits jardins privatifs à l’usage des logements à rez-de-chaussée. Cette intervention permet de rétablir le caractère de la rue de Terre-Neuve, marqué sur sa rive impaire par un bâti en retrait sur l’alignement et l’aménagement de jardinets à rez-de-chaussée.

Restituer le caractère traversant de la parcelle

· Gommé par les rajouts successifs et la densification sauvage, le caractère traversant de la parcelle entre les deux rues est réintroduit par un travail de curetage et de nettoyage sélectif. Le projet vient ainsi s’inscrire naturellement dans la morphologie du quartier, caractérisée par un parcellaire long et étroit et des traversées intérieures assurant la liaison entre deux rues.

INTENTIONS ARCHITECTURALES

Reconstituer l’intégrité des constructions d’origine

· Par le curetage des excroissances et des ajouts, la réintroduction des percements d’origine dans les façades et la suppression des percements ultérieurs, la simplicité du vocabulaire architectural caractéristique du tissu urbain du quartier peut être restituée : simples volumes blancs percés de fenêtres régulières.

Souligner le traitement différencié des limites

· Respecter le caractère particulier de chacun des lieux : façade lisse à l’alignement de la rue Alexandre Dumas espace « tampon » au droit de la rue de Terre-Neuve (aménagé en vérandas, clôtures en bois et jardins privatifs) et volumétrie plus libre au droit de la cour.

· Mettre en valeur les qualités spatiales du lieu, accentuées par la différence de niveaux entre les deux rues et par le traitement de la surélévation : retrait volumétrique permettant de dégager une terrasse accessible pour le logement en duplex et renforçant l’effet en « cascades » vers le Sud.

Adopter un traitement architectural contemporain pour les interventions nouvelles

Détail sur terrasse

Détail sur toiture

· Le principe d’une structure métallique légère au droit de la surélévation ayant été adopté afin de limiter les surcharges sur les fondations existantes, le projet a tiré parti de cette contrainte pour se libérer de la tentation du pastiche. Un travail « en petites touches » a permis de différencier les interventions nouvelles, tant au niveau des matériaux utilisés (structures métalliques, frises de bois, panneaux composites laqués, menuiseries en bois exotique vernies, larges baies vitrées) que par le traitement chromatique contrastant avec le rendu blanc uni des constructions « originelles ».

TYPOLOGIE DES LOGEMENTS ET USAGES

Le travail sur le plan a porté sur les points suivants :

· Rendre traversants l’ensemble des logements.

· Conserver la typologie d’origine et les ordres de grandeur en surface des logements tout en améliorant leurs qualités de confort par des interventions modestes : introduction de sas d’entrée, orientation systématique des séjours- cuisines vers la rue et des chambres vers la cour, avec création de blocs salles d’eau- sanitaires en partie centrale. Le caractère limité de ces interventions vise à ne pas bousculer les typologies des logements occupés pour éviter d’alourdir les charges des locataires et correspond aux souhaits exprimés lors de la concertation.

· Intervenir plus lourdement sur les logements vacants et le logement neuf, pour permettre une certaine diversification des typologies et proposer des configurations spatiales nouvelles : au 1^er étage de la rue Alexandre Dumas, un logement T4 duplex avec vide sur séjour s’ouvre sur une vaste terrasse accessible, les logements à rez-de-chaussée bénéficient d’un accès direct depuis l’extérieur assurant leur autonomie, et les appartements au droit de la rue de Terre-Neuve s’ouvrent sur leurs jardinets à travers des vérandas qui permettent l’extension des séjours.

· Réorganiser le sous-sol du bâtiment sur la rue Alexandre Dumas pour assurer à chacun des logements l’usage d’une cave, en lieu et place des celliers démolis à l’occasion du « curetage ». En profitant de la différence de niveau entre les deux rues, un accès à ce sous-sol a pu être assuré directement depuis la cour.

Bibliographie :

. Revue AMC, n° 84, novembre 1997

. Vivre c’est Habiter, RENOV 1999

. La réhabilitation des bâtiments, Pascale Joffroy, Editions Le Moniteur, Paris 1999

Architectes :

Atelier Jade et Sami Tabet

33 bis, avenue Reille 75014 Paris

Maître d’ouvrage :

France Euro Habitat

71, rue Marx Dormoy 75018 Paris